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Techniques de céramique Les installations, la virtuosité

Les installations, la virtuosité

Il peut paraître assez étrange de mêler ces deux aspects de la céramique contemporaine : la virtuosité n’a pas fait bon ménage avec l’art de la seconde moitié du xxe siècle. N’étant pas affaire artistique à proprement parler, elle fut répudiée, considérée comme le vice favori du xixe, synonyme de mauvais goût, qu’il fallait vaincre grâce au « fonctionnalisme ». L’invention des installations date, au contraire, du xixe.

Et pourtant, bien cachée, la virtuosité subsiste, même s’il n’y est fait référence qu’au détour d’une phrase comme « c’est très difficile à faire » – Nicole Giroud parlant tout bas de son usage des étoffes trempées dans la barbotine. À moins que la difficulté apparaisse comme une évidence au non-céramiste, devant ces ailes de Bresson, par exemple, qui se dressent droites, comme si la gravité universelle n’existait pas…

Admettons que ce groupement d’artistes a quelque chose d’arbitraire… Il devient pertinent si l’on considère que ces œuvres ont une singularité propre, issue de leur commun désir d’outrepasser les limites habituelles de l’objet céramique et d’un même refus de la couleur, bien que ce refus relève davantage d’une époque – les années 1970-1980 – que d’une catégorie céramique, située entre virtuosité et installations. Il s’agit d’utiliser des matériaux nobles comme le grès ou la porcelaine, mais une porcelaine soigneusement dissimulée sous un jus noirâtre.

En ces temps où l’art choisit souvent le minimalisme, l’expression la plus discrète possible, certains se dotent donc de l’ambition d’envahir l’espace pour l’organiser, le dominer, parfois le rendre plus poétique, et subjuguer le visiteur… Les installations sont bien une caractéristique de l’art de ce temps. Tous les matériaux, y compris les plus incongrus, qui sont parfois les plus difficiles à conserver, sont utilisés. Parmi eux, les plus proches de la céramique furent les textiles. Dans les années 1970, on les vit dans de magnifiques installations.

Occupant le rôle que les musées délaissaient, certains artistes se spécialisèrent dans la présentation d’œuvres dans l’espace : tels des architectes, ils jouèrent de l’interaction inévitable entre l’espace, l’objet qui s’y trouve et le spectateur. Leurs installations prirent le pas sur la fabrication d’objets proprement dits, concourant ainsi peut-être à la tendance, en apparence toute naturelle, de partir du sol pour poser ces installations. En 1975, c’est un Tas en grès que Dejonghe posait par terre au dix-septième Salon de la jeune sculpture11. Dans la même décennie, la galerie Les Chevaux de soleil dirigée par Mme Beauquet, rue des Francs-Bourgeois à Paris, exposait une masse de grès marron d’Élisabeth Joulia posée à même le sol.. On peut en outre se permettre une hypothèse : ces installations constitue sans doute la phase finale d’une production majeure de la précédente décennie, celle des « muraux », installations pariétales naturellement verticales, auxquelles le 1 % de la construction avait donné naissance22. À l’occasion de la soutenance d’une thèse de Catherine Compain-Cajac (Montpellier III, Université Paul Valéry, 1999) sur Jean-Jacques Prolongeau, qui avait d’abord créé des panneaux de style naïf, le président du jury montra que l’adoption par Prolongeau, pour ses décors muraux, de formes abstraites et peu colorées correspondait aux exigences des jurys qui présidaient alors aux choix des artistes concernés par ces commandes du 1 % dans les années 1970..

Pour un musée comme celui de Sèvres, où le manque d’espace est structurel, les meilleures installations sont celles que l’on peut exposer à l’extérieur, à l’exclusion de toute considération esthétique33. Jean-Luc Parent installa plusieurs centaines de Boules sur les marches à l’entrée du musée de Céramique. Mais ces boules, non gélives, ne supportaient pas le froid, la pluie les faisait éclater ; elles créaient sur la pierre de l’escalier des zones humides qui ont accéléré la dégradation dudit escalier ; des boules disparaissaient… Elles furent alors restituées au FNAC qui les avait mises en dépôt au musée.
Le plus séduisant dans cette installation, c’était son aspect éphémère : les boules bougeaient, se retrouvaient un peu dans tous les sens, alors que Parent les avait soigneusement rangées, et revenait parfois y mettre bon ordre.
et au détriment même des conditions de conservation, contrairement à toute déontologie.

L’installation des Meules dormantes de Dejonghe, dans l’escalier du musée, où elles évoquent des trophées antiques, est de ce point de vue parfaitement satisfaisante. La Chaise de Nicole Giroud, acquise en 2005, a été plus complexe à installer en raison de l’extrême fragilité de l’oeuvre. Pour Agathe Larpent et Daniel Pontoreau, la solution reste à trouver.

1. Dans la même décennie, la galerie Les Chevaux de soleil dirigée par Mme Beauquet, rue des Francs-Bourgeois à Paris, exposait une masse de grès marron d’Élisabeth Joulia posée à même le sol.
2. À l’occasion de la soutenance d’une thèse de Catherine Compain-Cajac (Montpellier III, Université Paul Valéry, 1999) sur Jean-Jacques Prolongeau, qui avait d’abord créé des panneaux de style naïf, le président du jury montra que l’adoption par Prolongeau, pour ses décors muraux, de formes abstraites et peu colorées correspondait aux exigences des jurys qui présidaient alors aux choix des artistes concernés par ces commandes du 1 % dans les années 1970.
3. Jean-Luc Parent installa plusieurs centaines de Boules sur les marches à l’entrée du musée de Céramique. Mais ces boules, non gélives, ne supportaient pas le froid, la pluie les faisait éclater ; elles créaient sur la pierre de l’escalier des zones humides qui ont accéléré la dégradation dudit escalier ; des boules disparaissaient… Elles furent alors restituées au FNAC qui les avait mises en dépôt au musée.
Le plus séduisant dans cette installation, c’était son aspect éphémère : les boules bougeaient, se retrouvaient un peu dans tous les sens, alors que Parent les avait soigneusement rangées, et revenait parfois y mettre bon ordre.
Céramiques concernées